30 Septembre 2013
Vendredi 27 septembre, 13h45, cette fois, je ne peux plus reculer. J’ai pris rendez-vous il y a 3 semaines, personne ne sait que je suis là. Même pas mon mari. Je sais que je suis particulièrement ch..... quand je suis énervée. Alors je préfère épargner les gens que j’aime. J’ai 42 ans, ça fait maintenant 2 ans que mon gynéco me demande de faire une mammographie. «Madame Courtais, après 40 ans, c’est plus prudent». Je me suis toujours trouvé de bonnes excuses pour ne pas y aller. Pas le temps, j’ai un déjeuner avec des copines, j’ai piscine... Bref, toutes plus bidons les unes que les autres ! Alors, surfant sur la vague des bonnes résolutions de la rentrée, j’ai pris rendez-vous début septembre. Je dois quand même vous avouer que depuis lundi, je cherche de nouvelles excuses pour reporter... Mais là, j’y suis, j’y reste. Dans quel état d’esprit je suis ? Ben en fait, assez calme. Mais les jours d’avant... J’ai tout fait pour ne pas y penser, j’en ai abattu du boulot. Mais c’est plus fort que moi, ça vagabonde. J’ai peur, on va lâcher les mots tout de suite : j’ai peur du cancer, j’ai peur de la maladie et j’ai peur de la mort.
Je pense à cette mammographie et je vois le visage d’une amie, Véro, qui est morte il y a 8 ans des suites d’un cancer du sein. On s’était connu en formation en conception-rédaction. Un vrai petit trio avec Odile, une expérience qui nous avait soudées. Véro, elle profitait de la vie, elle a vécu à l’étranger, elle a voyagé et surtout on se marrait bien ensemble. Quand on se retrouvait chez elle, c’était des apéros à n’en plus finir ou de toute manière au bout d’un moment, on n’avait plus envie de passer à table. Elle savait plaisanter sur tous les sujets avec finesse. Véro a appris qu’elle avait une tumeur un peu avant Noël. Au début, elle ne voulait voir personne. Puis petit à petit, on s’est retrouvé. On se laissait guider : si elle avait envie de parler, on parlait, si on sentait que c’était pas le bon moment, on parlait d’autre chose. Malgré la chimio, l’opération, alors qu’elle croyait être tirée d’affaires, elle a rechuté. Elle est morte un premier avril, comme si elle avait voulu nous faire une dernière blague, mais cette fois, tu ne nous as pas fait rire Véro. Je vous ai parlé d’Odile qui faisait partie du trio, elle a perdu sa maman d’un cancer. Je vous parle d’elles et je pense à d’autres amies, il y en a aussi une qui a perdu sa maman, et qui se fait dépister même si elle n’a pas encore 40 ans, par précaution. Et je continue de penser encore, mon cerveau va exploser... Je ne sais pas pourquoi, il y a une phrase de mon père qui me revient en mémoire «jusqu’à 40 ans, je me croyais immortel». Il a toujours eu le sens de la formule... Pourquoi il a dit ça, je ne me souviens plus exactement. Je crois qu’à cette époque, certaines personnes de son âge sont mortes dans son entourage. Il a du réaliser que même s’il courait tout le temps, tout peut s’arrêter en un instant. Et ça gamberge, si seulement je trouvais le bouton off.
J’ai peur d’y aller parce que j’ai peur que tout ne soit plus comme avant. Ma vie, le regard des autres. Et si je suis malade et que je meurs dans 6 mois, un an, comment mes filles vont-elles faire sans leur maman ? J’ai peur d’y aller aussi parce qu’il parait que ça fait mal. Alors je vais tout vous dire. Les mecs, si ça vous gêne, rendez-vous plus bas, je vous ai fait un petit repère. Les filles, c’est pour vous que j’écris ces lignes. D’abord, le gynéco m’avait dit qu’on écrasait les seins entre 2 plaques. Va falloir que je lui apprenne à s’exprimer. Parce que «écraser» pour moi est synonyme d’aplatir, j’imagine une crêpe. C’est faux, comprimer est plus juste (et encore, je me suis sentie beaucoup plus «comprimée» dans le métro parisien aux heures de pointe...). Reprenons du début : tu arrives, petites démarches administratives, ensuite quelques minutes d’attente et les radiologues t’invitent à entrer dans la salle où se trouve la machine. D’ailleurs, je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus impressionnant genre Robocop mais ça fait penser plutôt à une grosse boite. Très attentionnées, elles t’expliquent qu’elles vont te positionner, que ça peut être douloureux, qu’il faut le dire si ça ne va pas etc. Sachez que je suis du genre douillette, je déteste aller chez le dentiste, je peux hurler si je me blesse, bref... Première étape : face à la machine, la radiologue te positionne un sein sur une plaque, ton visage doit être tourné vers le haut pour dégager, donc tu ne vois rien. Ensuite un plexi descend se poser et appuyer, ça doit durer dans les 5 secondes, puis bien sûr deuxième sein. Etape suivante : légèrement sur le côté pour que la radio puisse prendre sous plusieurs angles «attention Madame ça risque de racler la clavicule», même procédure, le plexi descend pour comprimer un sein puis l’autre sur la plaque.
(Par ici les mecs) Ben croyez moi si vous voulez mais je n’ai même pas eu mal ! Tu te rhabilles et tu attends pour l’échographie. Les radiologues ne peuvent rien te dire, ce n’est pas la peine de leur poser des questions. C’est le médecin qui intervient pour l’échographie qui te tient informée. Il arrive, il jette un oeil et il termine avec un «rien à signaler», voilà, c’est fini, déjà j’ai envie de dire ! Chapeau à toute l’équipe de Val d’Aurelle pour leur gentillesse et leur organisation ! Si j’y ai passé une heure, c’est le bout du monde ! Je vais rentrer chez moi, bosser un peu et aller chercher les filles à l’école, je vais reprendre le chemin de ma vie. Mais pas comme si de rien n’était. Je pense à toutes celles qui ont fait cet examen un jour et à qui le médecin a dit le mot tant redouté «cancer». Je pense à Véro qui avait 37 ans et une petite fille de 5 ans à l’époque, aux mères de mes amies, à d’autres aussi. Et je réalise que tout peut basculer du jour au lendemain. Mais que cet examen dont je me faisais une montagne, peut sauver des vies. Le cancer du sein aujourd’hui, est un de ceux que l’on peut le mieux soigner, s’il est dépisté à temps. Il n’y a pas d’âge, ça peut arriver à 20, 30, 40 ans. Ici à Montpellier, nous avons Barbara Glatz qui agit pour le dépistage chez les jeunes avec des événements comme la course Montpellier Reine. Delphine Sauret a d’ailleurs participé à une expo photos sur ce thème et on en avait parlé ensemble.
Et je vous promets que je n’ai pas fait exprès de prendre mon rendez-vous maintenant ! Mais l’opération Octobre Rose va commencer. L’objectif ? Promouvoir le dépistage. Alors si cet article n’a servi qu’à une seule d’entre vous pour la rassurer au sujet du dépistage, je serai la plus heureuse des femmes. Vendredi 27 septembre, 19h, c’est la fête de rentrée au collège. Je fais partie de l’équipe organisatrice. L’ambiance est bonne, les gens sont heureux de faire connaissance, de passer du temps ensemble. Et me voilà au stand des gâteaux face à tous ces jeunes de 11 à 14 ans, la mienne toujours démonstrative qui danse sur une chaise... Ce n’est plus une enfant mais pas encore une jeune fille. En tous cas maintenant, je pourrai lui parler de tout ça.