9 Novembre 2015
Souvenez-vous, début octobre, je m’interrogeais sur le sens à donner à la réussite d’une entreprise. Peu de temps après, j’assistais à la finale d’OpenCité et j’y voyais les entrepreneurs de demain. Du coup, je n’avais pas développé au sujet de la start-up BIME qui vient de se faire racheter par un géant américain. C’est pas plus mal parce qu’entre temps, j’ai continué à penser à tout ça. J’ai pris le temps de lire pas mal d’articles à ce sujet (voir les liens plus bas), je me suis replongée dans XtremUp qui avait eu lieu à Montpellier courant mai. Un des intervenants nous avait présenté le cycle de vie d’une start-up. J’avais déjà vu ce genre de courbe lors de la MédiaLabSession il y a un an.
Ca commence par l’idée de départ, la phase d’amorçage, cette vallée de la mort où tout ne tient qu’à un fil, où on n’a pas un sou. Puis arrive la période de développement où les incubateurs commencent à entrer en scène, les business angels s’intéressent au projet. On lève des fonds. Et si on tient jusqu’à parvenir à maturité, là ce sont les capital risqueurs qui investissent. Mais après ? Regardez la dernière colonne "sortie", ça signifie que soit la start-up meurt, soit elle se remet en question en changeant de stratégie, elle pivote, soit elle se fait racheter. Dans le cas de BIME, ce rachat a apparemment été vécu par les personnes qui l’ont appris comme un succès. Les félicitations pleuvaient. Alors j’ai voulu en savoir plus, je ne connais pas assez cette société, son histoire, pour ne parler que d’elle dans cet article. Je n’ai croisé Rachel Delacour qu’une seule fois et si je me souviens d’elle, je doute de la réciproque. Je ne m’attaque pas à une entreprise en particulier mais à un état d’esprit que j’essaie de comprendre. Je ne mets pas toutes les start-up dans le même sac, attention, n’allez pas penser que je fais des raccourcis. Mais je constate que la plupart des start-up donne l’image que je développe plus bas et que ce comportement rejaillit hélas sur celles qui n’adhérent pas à cette philosophie.
Vouloir aller vite mais ne pas penser à aller loin
Ce que j’en retiens : les start-up citées en exemples ont très bien vécu leur rachat, c’était comme un passage à la vitesse supérieure. Mais premier bémol, leur "bébé" ne leur appartient plus et si les dirigeants gardent un pied dans l’entreprise, ils sont conscients du risque de se faire dégager à un moment ou à un autre. Alors pas de sentimentalisme me direz-vous, on est dans le business ? Ok. Mais désolée, ce n’est pas moi qui tombe dans l’affect, ce sont elles qui se défendent d’oeuvrer pour le bien de leur projet, de leurs salariés. Pourtant, quand ils ne seront plus là, si la nouvelle direction décide de se séparer des équipes, qu’y pourront-ils ? Faut-il en conclure que leur objectif, dès le départ, était de se faire racheter pour gagner rapidement de l’argent ? Que ces success stories à la française ne se projettent pas dans le marché national ? Alors ces entreprises soi-disant innovantes retombent d’après moi dans de vieux schémas : l’économie se divise entre quelques gros mastodontes qui rachètent leurs concurrents, la diversité se perd, le monopole revient. Toutes ces idées, qui au départ, allaient changer le monde, se coulent dans le moule confortable de ce qu’elles remettaient en cause.
J'ai posé la question sur Facebook et certains m'ont répondu que le rachat est un moyen de passer à autre chose, de tenter une nouvelle aventure. La start-up est arrivée à son apogée, ses dirigeants peuvent ainsi se libérer l'esprit pour se lancer dans de nouveaux projets, qu'ils n'avaient pas eu jusqu'alors le temps de développer. Mais vont-ils passer toute leur vie à rebondir d'une idée à l'autre ? N'ont-ils pas envie d'approfondir ce qu'ils ont mis tant de temps à faire émerger ? Ce comportement ne trahirait-il pas une certaine inconstance ou tout au moins un manque de stabilité ?
Je suis convaincue que le problème c’est la vision à court terme : il n’y a pas de recherche de pérennité, il n’y a aucune ambition sur le territoire qui ont permis à ces start-up de voir le jour. Et c’est ça qui est le plus regrettable, vouloir aller vite mais ne pas penser à aller loin. Après avoir assisté à la finale d’OpenCité, je pense aussi que l’avenir de l’entrepreneuriat appartient aux personnes que j’ai vues. Les porteurs de projet ont pour seule ambition de créer, de répondre à un besoin qui n’est pas rempli, et surtout de se développer dans leur quartier, on ne parle même pas de ville ou de région mais bien de quartier ! Cette opération est, d’après moi, révélatrice du changement de cap qui s’amorce. Les enjeux ne se joueront plus à l’international mais devant notre porte. Les start-up, aveuglées par la course au succès, le déploiement à l’étranger, le rachat comme récompense suprême, ne réalisent pas ce qui est en train de se passer. Elles vont se faire disrupter par ces talents émergents, ces idées qui symbolisent l'innovation de demain. Je crois que cette série d'articles est loin d'être terminée...
Articles : l'Express, Développez.com